samedi 31 mars 2012

De la musique avant toute chose

"Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun: l'épanouissement de chacun dans le respect des différences" *
Sopheak dessine, Sopheak joue de la musique, Sopheak sourit...
Lors de notre première visite à l'hôpital Calmette et le sombre diagnostic de l'ophtalmologiste, nous nous étions promis d'accompagner Sopheak à une deuxième consultation dans un autre service.
Je suis rentrée en France, Eléna s'est installée à Siem Reap....et s'est renseignée.  L'hôpital de Takéo, petite ville provinciale à environ 75 kms de Phnom Penh, jumelé avec deux hôpitaux français et la fondation Mérieux, semblait y avoir un  service ophtalmologie reconnu. 
Lors d'un retour sur Phnom Penh, Eléna a organisé le rendez vous à Takéo, le trajet, et l'intendance, vous n'imaginez même pas les torsions du cerveau qu'il faut pour mettre d'aplomb tout ça ! 
Sopheak a donc pu avoir un deuxième diagnostic... qui confirme le premier, pas de certitude sur l'évolution de sa pathologie mais la perte irrémédiable de sa vision. Sauf qu'il est ressorti cette fois avec des lunettes qui vont  peut être lui redonner un tout petit peu de champ visuel.
Dans sa lancée, Eléna a pris contact avec un bonze  musicien non voyant d'une pagode de Phnom Penh et l'a convaincu (ha! le charme italien !) de venir à Kien Kleang pour y donner des cours de musique. Il a encore fallu l'énergie des marraines, Laurence, Marielle, Kani, pour redonner vie à des instruments traditionnels qui dormaient dans une remise de l'orphelinat, arranger les derniers détails, mettre en place les cours, et prévoir les allers retours du professeur. Encore une série de noeuds à la tête.
D'autres projets sont en discussion avec Sopheak, ses envies, ses désirs, son devenir. Nous avons déjà fait un bout de chemin, nous marchons avec lui et nous ne lui lâcherons pas la main.
 
Merci à Laurence, Kani et Pascale pour le prêt de leurs photos.


* Françoise Dolto

mercredi 21 mars 2012

Souricette

Souricette, c'est le doux nom de Yolle, celui que lui donne affectueusement Anne Marie. Yolle, la souricette, le malicieux lutin de Kho Kong. 

Rappelez vous, je vous en ai déjà parlé de cette petite fille, de son hospitalisation de plusieurs mois pour une opération lourde du genou. Des semaines passées en rééducation, à réapprendre, se tenir droite,  faire un pas puis un autre,  plier sa jambe,  s'agenouiller, se relever. Yolle et son incroyable envie d'être debout, sa volonté d'avancer malgré la douleur. Après sa première intervention et jusqu'à la consolidation de ses os,  elle n'a plus le droit de sauter ni de courir, quelle contrainte pour elle,  petit feu follet bondissante et audacieuse.  Alors,  durant ses longues heures d'immobilisation,  la souricette, privée de ses entrechats, va s'acharner à étudier, le français, l'anglais, le calcul, avec Anne Marie toujours auprès d'elle.
Anne Marie lui ouvrira  grand la porte de la lumière, la nourrissant de riz, de gâteaux et de poulet mais plus encore de lectures, de savoirs, de rires et de jeux. 

Yolle à l'hôpital de Khanta Bopha

Yolle en visite à Kien Kleang en octobre 2010.

Yolle est arrivée à l'orphelinat de Kho Kong au cours de l'année 2009 avec ses deux soeurs et son frère. Ses parents, trop pauvres, ont préféré les confier à l'orphelinat. C'est ainsi au Cambodge, les orphelinats sont aussi  le lieu où les enfants ont une chance d'être nourri et scolarisé. Heang avait alors 12 ans et n'avait jamais été à l'école, Tuor présentait de nombreuses cicatrices dont on ne peut que supposer l'origine, Yolle traînait une jambe handicapée d'un genou gonflé et déformé.
 
Heang, Seiha, Huor et Yolle à leur arrivée à l'orphelinat de Koh Kong mi-2009

Les soeurs et frères ont pu manger, se laver, aller à l'école, jouer à des vrais jeux d'enfants, Yolle a pu être opéré,  a recommencé à courir et à sauter, elle a rencontré sa grande amie, Chan arrivée quelques mois après elle avec comme bagage un sac lourd d'une histoire douloureuse. Leurs parents gardaient le lien, leur rendant visite de temps en temps.
Et puis cette semaine nous avons appris que la fratrie a été rendue totalement à leurs parents, Heang et Seiha sont retournées vivre avec leur père dans la campagne de Kho Kong,  Huor et Yolle ont été emmenés par leur mère qui vit en Thaïlande, pas loin de la frontière. La raison de leur départ reste mystérieuse, les parents auraient entamé des démarches administrative pour reprendre les enfants. Le directeur de l'orphelinat de Koh Kong (si peu présent qu'on finit par l'oublier)  aurait accédé à leur demande, ouvrant le parapluie en faisant signer un document à la famille le dégageant de toute responsabilité.
On pourrait s'en réjouir, malgré la négligence, malgré les difficultés, malgré la misère, oui on pourrait se réjouir de la place retrouvée de ces enfants auprès de leurs parents.
Mais en réalité nous sommes inquiets, terriblement inquiets.
Nous ne savons rien des nouvelles conditions de vie des enfants. Rien ne nous confirme ou infirme que celles ci aient effectivement évolué depuis trois ans.
Vont-ils retourner à l'école?  Quels vont-être les liens entre les enfants partagés entre leur père et leur mère? Quel avenir pour Yolle et Huor en Thaïlande? Quel sera le quotidien des deux soeurs, l'aînée et la plus jeune à quelques kilomètres de Kho Kong? Comment va réagir Chan la grande copine, à l'absence de Yolle?
L'environnement sécurisant de l'orphelinat leur a permis de grandir, leur garantissant les soins de base et  une stabilité nécessaire à leur développement social, affectif, intellectuel et physique.
Nous espérons que ces années auront construits autour d'eux un socle solide qui leur permettra de trouver le juste équilibre. Et que souricette continue à se tenir debout.


 été 2011
Chan la grande copine